Le train cheminait au loin, des volutes blanches s'en échappaient. J'entendais les alouettes dans le ciel d'été. La machine avançait dans un sifflement joyeux. Mon regard se posa sur une tige d'herbe séchée où venait de se poser quelque insecte ailé. Noir, trapu, l'hôte du microcosme parcourut de la racine au sommet son repaire éphémère.
Le soleil illuminait champs et plaine jusqu'à l'horizon. A perte de vue, d'immenses pâturages. Un univers baigné dans une clarté irradiante. En moi, une impression ineffable de liberté, d'infini, de légèreté... L'azur et la lumière se révélaient subitement dans leur plus pure expression, et à ces beautés soudaines mon âme s'éveillait.
Le train s'approchait lentement, recouvrant peu à peu le chant des alouettes. La locomotive crachait son suif clair, les wagons bringuebalaient dans la prairie... Je vis un poème d'acier.
L'insecte explorait toujours sa tige, indifférent aux géants qui l'entouraient, étranger aux montagnes qui de toutes parts le dominaient.
Le train arriva à ma hauteur dans un fracas enchanteur, traînant dans son sillage un souffle chaud plein d'odeurs d'huile et de feu. Un vent fabuleux souleva mes cheveux, fit naître en moi un frisson inconnu.
Subjugué par le spectacle, je devins tout à la fois la pierre au bord du chemin, le buisson non loin de là, la tige séchée à mes pieds, l'air de la prairie et l'acier de la machine...
En s'éloignant avec son panache éclatant, la créature de métal prit des allures épiques et romanesques qui m'émurent profondément.
Au passage de ce monstre à vapeur l'insecte n'avait pas quitté sa tige, absorbé qu'il était de la naissance à la mort par son monde minuscule. A toutes les échelles, de la plus glorieuse à la plus insignifiante, je ne voyais que Poésie.
Ce jour-là le ciel égalait en beauté la poussière.
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